dimanche 18 juin 2017

sur le site QuatreSansQuatre


Le pitch
La veille du Festival International du Mime de Périgueux, son directeur artistique, Axel Blancard, est retrouvé sauvagement assassiné dans un jardin du centre-ville. Le monde artistique est en émoi et la police piétine dans son enquête. Il n’en fallait pas plus pour revigorer Gregorio Valmy, détective privé déprimé, en vacances dans la capitale périgourdine au moment des faits.
Quelques discussions avec des érudits locaux et quelques rencontres insolites suffisent à l’enquêteur pour comprendre que cette affaire n’est pas banale. D’autant qu’Axel Blancard n’est autre que le petit-fils d’une des figures locale de la Résistance et frère du candidat socialiste à l’élection législative partielle locale : il n’en faut pas d’avantage pour qu’un passé douloureux ressurgisse… De surprises historiques en rebondissements, le privé Valmy et ses compères du moment, le libraire Laval
Palindrome, l’anar atypique Léopold Turlan et le Polonais de passage Wlad auront fort à faire face à des évènements intimement liés depuis 1944 jusqu’à aujourd’hui en plein cœur de la Dordogne.


L'extrait

« Mercredi 29 juin 1949
La DST était entrée en action. Les mystères de l'escapade de Maurice Thorez, l'arrivée de Jacques Duclos les avait laissés comme deux ronds de flan. La surveillance du territoire passait à la vitesse supérieure avec l'attitude pas très catholique des deux principaux dirigeants du Parti communiste Français.
- Ils sont localisés sans problème.
Carbona jubilait à quelques centaines de mètres de Thorez et Duclos. Il communiquait avec Chambord par radio. Radio que s’était procurée Lefort en quelques heures. Carbona ne l'interrogea pas sur les modalités de sa trouvaille. Lefort était le débrouillard par excellence.
- Avec eux, outre Volkonskaïa, se trouve le chauffeur de Thorez, le Secrétaire départemental du PCF et une dizaine d'autres personnes, dont quelques communistes espagnols, témoin le drapeau rouge-jaune-violet arboré sur leur véhicule.
Chambord était satisfait. Tout était sous contrôle. Thorez et Duclos localisés, une réunion du Parti se tenait. Il fallait être vigilant et bien surveiller les énergumènes présents. Cela dit, point de complot, de coup d'État en vue. Thorez et Duclos ne se seraient pas embraqués là-dedans. Mais il fallait continuer la surveillance des deux cocos les plus célèbres de France.
Carbona et Lefort étaient d'une rare efficacité. Entre le démerdard et l'intello, Chambord voyait là de bonnes recrues pour la DST et les missions futures. » (p. 76)


L'avis de Quatre Sans Quatre

La liberté est un bien commun, une conquête sociale appartenant à tous, c'est ainsi que l'on peut la retrouver galvaudée à toutes les sauces aujourd’hui. À l'instar de l'enfer dont le chemin est pavé de bonnes intentions, les raisons des diverses factions combattant toutes pour cette fameuse liberté ne sont pas aussi angéliques que l'affirment les défenseurs de telle ou telle obédience. Je servirai la liberté en silence illustre parfaitement cette évidence et fourni, dans le même ouvrage, une enquête menée par un équipage truculent qui sent le Rabelais à cent kilomètres et une partie historique s'étendant sur des dizaines d'années - de la Résistance à nos jours - où des forces antagonistes, brandissant toutes l'oriflamme de la lutte pour la démocratie, se sont affrontées dans l'ombre, parfois pour des motifs quelque peu crapuleux aussi.

Gregorio Valmy, le privé, - pas vraiment Marlowe - les bagages chargés d'un chagrin d'amour, se trouve embringué, à peine débarqué à Périgueux, dans une affaire de meurtre commis pendant le festival Mimos. Il va intégrer une fine équipe d'originaux, solides leveurs de coudes, Laval Palindrome et Tutu la Praline, assisté d'un Polonais de passage. Au gré de diverses rencontres avec des historiens locaux, puisqu'il s'avère rapidement que le crime est lié non seulement à l'élection législative partielle en cours, mais également au passé de la famille d'un des candidats, c'est toute l'histoire du combat anti-communiste de l'État français dans le Périgord. La répression de la Résistance locale par les terribles BNA (Brigades Nord-africaines), et l'action de barbouzes après guerre, l'équivalent national du projet Gladio, encadré par la CIA, en Italie afin de monter des opérations de sabotage en cas de prise du pouvoir par le PCF.
Les BNA étaient une troupe hétéroclite de truands nord-africains recrutés à Paris en 1943 par les voyous formant la Gestapo française et envoyées dans le sud du pays afin de réduire les « terroristes » au silence. Elles commirent des massacres mémorables et se distinguèrent par leur férocité. Une saga hallucinante de ce que peut engendrer la barbarie à l'état pure.
Pas facile de retrouver ses petits dans les différentes organisations qui se sont succédées dans cette si joli et gastronomique région afin de réprimer soit la Résistance (FTP communistes en priorité) soit les luttes syndicales et ouvrières. Cela va des truands parisiens devenus membres de la Gestapo française de la rue Lauriston aux flics des RG ou aux barbouzes des diverses agences plus ou moins secrètes. Le récit historique est passionnant et particulièrement bien documenté, le lecteur ressort de ce livre avec une vraie vision de ce qu'ont été ses années où tout était bon pour anéantir l'idée même de socialisme en France, et particulièrement dans le Périgord, terre communiste s'il en fut.
Entre deux cuites mémorables, Monbazillac/Pécharmant/Vodka et autres liqueurs moins traditionnelles, et quelques parties de jambes en l'air, Gregorio et ses acolytes, aidés de la capitaine Saint-Martin, s'enfoncent dans les méandres de la crapulerie extraordinaire des temps de guerre et celle, plus commune, des politiques ne voulant pas perdre le pouvoir, ni surtout contrarier les intérêts financiers qu'ils défendent. Il est bien entendu question, comme dans tout bon polar, d'une faramineuse somme de plus de deux milliards réquisitionnée par les Résistants dont une partie a été dérobée et de sales coups bien tordus.
Deux facettes donc pour Je servirai la liberté en silence, drôle et pétillant pour les enquêteurs, noir et horrifiant en ce qui concerne les racines de l'intrigue. Un polar prétexte à mettre en avant une période particulièrement sombre de notre histoire, s'étalant tout de même sur près de quarante ans. Je ne vous cache pas que je préfère la partie historique, elle est en tous points passionnantes et pleine de découvertes sur des personnages et des faits réels méritant d'être connus et racontés. Mais il fallait bien une solide dose d'humour pour narrer ces horreurs, Tutu la Praline et Laval Palindrome excellent à la distiller !


La musique du livre

Kitty, Daisy and Lewis – Baby bye bye
The Clash - I Fought the Law
Los Republicanos - En la plaza

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