Le livre du jour !
S'inspirant de faits historiques réels et de personnages
ayant véritablement existés, Patrick Amand revisite à sa façon des épisodes du
Débarquement, leur donnant une profondeur et une âme qui n'existent pas
toujours dans les documentaires consacrés à cette période.
La plupart d'entre nous ont en tête le film Le jour le plus
long, dans lequel la fiction dépasse parfois la réalité, forgeant certaines
légendes qui perdurent. Mais Patrick Amand nous entraîne au cœur du conflit
pour certains épisodes ou narre des événements qui se greffent dessus quelques
décennies plus tard.
Ainsi dans La malédiction du Dakota, il raconte comment un
vieux Douglas C47, ayant participé à la Seconde Guerre Mondiale, larguant dans
la nuit du 5 au 6 juin 1944 deux sticks de parachutistes, soit 36 hommes, afin
de guider à distance les tirs de la marine au dessus de Merville, a été
retrouvé en Tchécoslovaquie et rapatrié en France en 2007 par une équipe de
bénévoles. Aujourd'hui l'appareil fait la fierté du musée de la batterie de
Merville. Mais Patrick Amand forge autour de ce rapatriement une histoire dans
laquelle certains des membres de l'expédition vont trouver une mort violente et
apparemment accidentelle. Comme si la malédiction du Douglas C47, qui a été de
nombreuses fois touché au cours des raids qu'il a effectué, ne se serait pas
éteinte. Evidemment Patrick Amand a pris soin de changer les noms de la commune
et des personnages figurant dans son récit.
Dans Nos deux vies pour une liberté, un vétéran britannique
est adulé par tout un village pour avoir participé au Débarquement comme
parachutiste de la 6ème Airborne et pour s'être installé définitivement dans la
petite commune de Canteville en 1986 après le décès de sa femme. Karl Montag
qui a épousé une Française s'est installé lui aussi dans ce petit village et
les deux hommes sont devenus inséparables. Seulement l'un des deux est un
imposteur.
Ces deux anecdotes ont connu un retentissement médiatique il
y a quelques années en Basse-Normandie et plus particulièrement dans les
départements de la Manche et du Calvados. Les journaux locaux et régionaux se
sont emparés de ces deux histoires, leur consacrant de nombreuses manchettes et
pages. Mais bien évidement Patrick Amand s'il s'en est inspiré les a personnalisées
en inventant des épilogues crédibles mais fictifs.
Dans la nouvelle éponyme de ce recueil (en réalité il y a en
deux, l'une qui débute la série, l'autre qui la clôt) Jim O'Gara en est à son
troisième débarquement. La première fois c'était en Afrique du Nord, en 1942,
puis en Sicile en 1943, mais là, sur cette plage d'Omaha, il en a marre de voir
ses compagnons tomber autour de lui comme des quilles. Il décide alors de
déserter et se cache derrière un tas de rochers ou derrière un "hérisson tchèque",
un obstacle anti-char planté dans le sable. Le sergent Johnson arpente les
lieux prodiguant ses encouragements, mais il tape sur les nerfs d'O'Gara. Cette
désertion il veut la réussir par tous les moyens.
Dans le seconde nouvelle intitulée elle aussi Omaba Blues,
il s'agit de rendre hommage à un vétéran du Débarquement à l'occasion du 70ème
anniversaire. Le président Obama va visiter le cimetière de Colleville, se
recueillir devant la croix d'un célèbre inconnu, et pour cela, le conseiller
spécial du président doit dénicher le nom d'un disparu en suivant des règles
strictes. Seulement, l'identité du vétéran va poser quelques problèmes. Là
encore ce récit prend sa genèse dans une réalité qui hante encore les Noirs
américains, car ceux-ci n'étaient affectés qu'à des tâches subalternes. Le
racisme, toujours le racisme. Et l'hommage à Jean Amila et la référence à son
roman La Lune d'Omaha sont explicitement revendiqués par Patrick Amand
Je passe rapidement sur d'autres faits évoqués dans ce
volume, me contentant de mettre l'accent sur Retour à Tatihou, île qui se
dresse en face de Saint-Vaast la Hougue et qui recueillit plusieurs centaines
de réfugiés espagnols fuyant le franquisme en 1939 et d'un Allemand, né en
1918. Contrairement à son père qui adhéra aux idées nazies d'Hitler, Hans
Gärtner s'est engagé dès 1936 dans les Brigades Internationales. Son séjour à
Tatihou lui procurera ses premiers émois, seulement la guerre et quelques vrais
collaborateurs, faux résistants xénophobes convaincus l'empêcheront de jouir de
ce qui aurait pu être une belle histoire d'amour. Le grand-père de l'auteur,
René Amand, résistant à Poitiers, y est évoqué ainsi que sa femme Denise, pour
des faits avérés.
Quatre historiettes intitulées toutes C'est le pied
s'insèrent comme de courts-métrages, ayant toutes pour point commun un même
personnage, Léon Karadoc, et bien évidemment un membre inférieur.
Enfin Patrick Amand ne pouvait pas s'empêcher d'extrapoler
et d'offrir une uchronie satirique dont le titre est : Hans Falckenbarch (1919-2010)
en partant de la thèse suivante : Et si le Débarquement avait échoué !.
La préface de ce recueil est signée Jean Quellien,
professeur émérite d'histoire contemporaine à Caen, peut-être le plus fin
connaisseur de l'histoire et des histoires du Débarquement.
Ce livre est indubitablement l'un des plus beaux hommages
qui puissent être rendus à cette époque et aux alliés, Américains,
Britanniques, Canadiens et Français ayant combattus sur le sol normand.
L'envers du décor, souvent mis sous le boisseau, ne manque pas d'humanisme, et
si l'auteur laisse libre court à son imagination, il puise dans des faits
réels, souvent occultés, car peu reluisants.
Sur cette époque on pourra s'intéresser également à La lune
d'Omaha de Jean Amila, Omaha crimes de Michel Bussi (livre qui devrait être
réédité aux Presses de la Cité) ainsi qu'au Débarquement au cinéma, ouvrage
collectif publié par les éditions Ouest-France.
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